Petits secrets entre solitaires

Cela m'était étrange de marcher aux côtés d'une petite fille de huit ans, plongée dans le malheur de sa vie, la mort de ses parents, et ses propres tourments.
Nous marchions entre landes, étendues sauvages de lavande odorante et de bruyère au triste aspect. Le chemin était à peine visible, même pour mes yeux de vampire - une chance que mes pieds connaissaient le chemin.
Il nous fallut trente minutes pour atteindre la ville ; je guettais sa réaction lorsque nous franchîmes les portes des remparts sud. Son expression était indéchiffrable, et je ne voulais pas l'importuner en la dévisageant.
Je pris la mesure d'un nouveau sentiment. Respect. Le vrai, pas celui que je feins pour arriver à mes fins devant des hommes d'influence.
Puis m'en vint un autre. Je ne saurais mettre un nom dessus, mais je m'imaginais que si quelqu'un venait à nous attaquer, je serais d'autant plus dangeureux - comprenez par là froid et sanguinaire - grâce à ce sentiment.
A mesure que je marchais à ses côtés, je changeais quelque peu. J'enrageais à cette idée, mais cela ne me dérangeais pas tant, finalement. Il n'y avait que pour cette petite que je changeais.
Je ne pensais plus à comment j'allais la tuer, ni à quoi elle pourrait me servir. Je n'envisageais plus des voies malsaines et chaotiques dont la petite aurait fait les frais. En revanche, je réfléchissais activement à ce que je pourrais lui dire, et à quelle partie de la ville je pourrais lui faire visiter en premier.
En tant que ami des arbres, je pensais naturellement au parc d'Arambanella.
Il était étrange que le plus beau parc de la ville porte le nom d'une ancienne reine qui ne vivait que d'intrigues, de trahison, et de sexe.
Je souris.

Avais-tu des frères et soeurs? je lui demande soudainement.

Le vent était moins puissant dans la ville, les murs retenant une partie de sa puissance.
Il chantait sa joie de me voir apprendre de nouvelles choses.
Reste à voir si ça sera utile.
Nous rentrâmes dans le parc par la porte de Pierre de Hyacynthe. Le portail mordoré, aux reflets changeant, m'avait toujours intrigué.
L'ai sentait bon les arbres ici ; ils absorbaient toutes les mauvaises odeurs diffusées par la ville.
Arrivés au centre du parc, j'amenais Jenny sur l'étendue d'herbe au milieu de la place. L'herbe y était plus douce, plus sympathique, plus accueillante - c'était peut-être simplement parce que j'adorais taquiner le gardien en le mettant au défi de venir me déloger lorsqu je m'y installais.
Je m'allongeais dans l'herbe, sous le grand chêne central. Ici, nous étions à l'abri des intempéries. C'était peut-être le meilleur des arguments en fin de compte. Je ne finirais pas la nuit avec une jolie fille dans mon lit ; je veillerais sur une petite fille, et j'embrasserais seulement Dame la nuit. Peut-être je n'y perdais pas tant au change. Et puis, la nuit était encore longue. J'avais toujours le temps de retrouver mon amante plus tard.
Je réchauffais l'atmoshpère par quelques subterfuges naturels. Je lui montrais ainsi mon pouvoir sans me cacher. Peut-être osera-t-elle faire de même.

Ca ne vaut pas un bon ballot de paille, dans une ferme réchauffée par les animaux, mais c'est agréable quand même. Repose-toi un peu. Et mange un bout, dis-je en lui tendant de la pâte de tamarin, sortie de l'intérieur de ma tunique.
Pour ma part, je suçai une racine de réglisse. C'est bon !

Les deux vampires marchaient dans les rues. Cela ne changeait rien à l'habitude de la petite. Habituée à partir découvrir le monde sur deux petits pieds nus. Découvrir de nouveaux endroits, de nouvelles rues sales, rêver en contemplant les beaux manoirs..
La 'tiote ne pouvait définir le sentiment qu'elle avait. Du bonheur d'être avec quelqu'un, de pouvoir parler. Elle avait l'impression de conaitre le vampire depuis bien des années déja. Son petit coeur battait, cette fois ci avec un battement calme et paisible. Elle n'avait plus la crainte d'avant..
La gamine n'entendait plus la voix. Même si celle-ci lui parlait peut être, elle n'avait pas besoin de sa compagnie pour l'instant. Elle n'avait pas soif, et ne voyait les rues sans les regarder, trop occupée à absorber les paroles du vampire.
Quand il lui posa une question, la gamine ne repondit pas tout de suite. Elle écoutait son ténor agréable, sans comprendre les mots. Après de longues minutes, elle répondit :

"- Non, j'étais fille unique. Mes parents ne voulaient qu'une fille.."

Elle soupira de nouveau en pensant à eux. Elle n'avait jamais connu sa mère, puis ce qu'elle était morte à la naissance de Jenny. Mais à ce que lui racontait son père, elle était calme, affectueuse, génereuse..
Des qualitées que Jenny aurait pût hériter sans problémes si le drame n'avait pas survenu..

Quand enfin ils entrérent dans le parc, Jenny respira un grand coup, se remplissant les poumons d'air pur.
Il s'allonga, et la chtiote se mit en tailleur près de lui, jouant avec l'herbe de ses petits doigts, les cheveux devant les yeux.
L'atmosphére se réchauffa, sûrement grace au vampire. Quelle beau pouvoir ! Elle souria, et apprecia la chaleure nouvelle et rare en ses temps si froids... Même si les Level E appréçient guère la chaleure, cela ne la dérangait pas tant que ça.
Au contraire..

Il parla du coin. Non, ça ne valait pas la paille, c'était encore mieux. Mais sa double personalitée méfiante savait qu'il ne fallait pas le dire..
Elle prit la pâte et la dévora aussitôt. Même si la soif de sang ne l'à dérangait pas, la faim, en revanche, si.
Elle s'allonga a côté de lui, comme il lui avait dit de se reposer. Les yeus clos, elle ne s'endormissait pourtant pas..

"- Tu es très gentil, tu sais..."

En manque d'affection, d'amour, de calin, toutes ses choses qu'une enfant de huit ans devrait avoir, elle se blotissa contre le vampire, humant une odeur d'homme qui lui manquait terriblement.

Je ne pus m'empêcher de rire lorsqu'elle m'avoua qu'elle me trouvait gentil. Quel comble !
Mais à vrai dire, quelque chose en moi appréciait cela. Je comptais dans la vie de cette petite fille, du moins pour le moment; je me sentais utile, et pour une fois, je n'avais pas besoin de semer la discorde et le chaos pour peser dans la Balance qui mesurait l'Equilibre du Cosmos. Je ne savais guère ce qu'elle avait trouvé de gentil en moi - j'avais par ailleurs un peu de mal à m'imaginer le concept - mais il avait suffit que je lui parle et que je lui tende cette pâte sucrée au bon goût de tamarin pour entrer dans ses bonnes grâces. Une perspective d'approche qu'il serait intéressant d'utiliser par la suite.
Je la sentais pourtant, me tentant les sens, me harcelant l'esprit ; la nuit voyait d'un mauvais oeil mon comportement envers cette petite. Et lorsqu'une enveloppe de brouillard ténébreux tenta follement de nous encercler, je dus user de mes capacités pour la dissoudre.
L'eau créée nous humidifia légèrement ; cette eau n'était cependant pas l'eau protectrice de la mer. Aussi décidé-je qu'il était temps de partir.
Je caressai les cheveux de Jenny

Ca te dirai un lit douillet près d'un feu tiède? lui proposé-je.

Je me levai, quand retentirent alors des hurlements stridents, mêlés à des aboiements que seuls des chiens enragés pousseraient.

La jeune fille ferma les yeux au contact du vampire sur ses cheveux. Elle appréciait beaucoup ses caresses, qui lui manquait tant. Comme toute gamine, elle avait besoin de contact physique avec les plus agés.
Elle souria alors, et rouvra à les yeux à ses paroles.
Un lit ? Quelle bonheur ! Cela faisait plus de cinq mois qu'elle n'avait pas profiter du confort de draps agréables, d'un matelas moelleux, et de chaleur..
Chez elle, elle avait toujours eu le droit à un lit minuscule. Le lit qu'elle avait eu de sa naissance à ses septs ans.
Malgré ses quelques fois ou elle dormait dans le modeste lit de son père, elle devait se contenter de ce lit fait en paille et en cire. Alors qu'elle se doutait bien que dans le lit de ce Yenael, elle y serait bien. Elle l'imaginait grand, fait en plumes, au draps clairs et propre.
Et le mot "feux" la ravissait tout autant.
Tss, quelle innocence misérable quand on à huit ans !
Elle s'exclama alors :

"- Oh oui ! J'aimerais beaucoup !" Dit-elle avec un enthousiasme réel.

Elle se leva à son tours, prétant oreilles aux loups. Elle n'avait pas peur. Elle savait que personne ne lui ferait du mal, ou du moins aucunes espéces venant de la ville ou ses environs.
Il la respectait, elle, l'enfant de la nature.
Elle finissa le tamarin et profita de ce gout délicieux.
Une nouvelle envie se fit apparaitre à la Level E.
Le sang. Même si elle en avait but ce matin, elle reprenait peu à peu cette envie. Elle essaya de se calmer, mais sa voix lui dit :

"- Hé ! Tu veux pas aller bouffer quelqu'un au lieu de suivre ce vampire fou ?"

Elle soupira et murmura à elle même :

"- Arêtte ! Il est pas fou ! Et si tu à faim, attend un peu. Je te promet que demain matin nous irons."

Elle l'entendait râler encore, mais l'ignora. Elle passa sa menotte dans la grande main du vampire, et avança dans la nuit en sa compagnie..

Les loups hurlaient encore quand on sortit du parc. La Lune brillait sur la porte d'Argent, et le portail fait de ce métal s'illuminait devant le rayonnement de sa Maîtresse. Ces hurlements provenaient-ils seulement des loups? J'en doutais. Je me rappellait un certain soir de pleine Lune, où trois loups-garous, pleins de leurs pulsion bestiales si proches de celles des vampires, m'avaient attaqués.
La nuit se parfumait d'une odeur semblable à celle de cette lointaine soirée.
Mon ami le couteau voulait sortir de son fourreau et s'amuser un peu...
Le sang des loups sous la pleine lune est un sang plein de force et de puissance magique. Idéal pour moi.
J'observai Jenny quand elle se mit à marmonner. J'eus le sentiment qu'elle parlait à cette fameuse Pauline - une amie imaginaire, une voix intérieure peut-être? Peut importait; seul comptait ce bourdonnement qui émanait de son coeur et qui palpitait dans ses veines, un bourdonnement qu'elle tentait en vain d'atténuer et dont Pauline était la cause, j'en étais certain.
Un bourdonnement que je connaissais que trop bien.
Je lâchai, à tout hasard :

Dis, aimes-tu chasser les loups? Les narguer devant leur tourmenteuse madame La Lune serait très drôle.

Je fus surpris de la façon que j'avais employé le verbe 'chasser'. En temps normal, 'exterminer', 'dépecer', 'égorger' ou 'éventrer' seraient plus volontiers sortis de ma bouche. Cependant, la petite fille venait de perdre ses parents et de survivre contre les éléments pendant si longtemps - inutile de la perturber plus. Ma proposition ne servait qu'à apaiser Pauline ; je la sentais plus pressente, plus à même de prendre le dessus sur cette pauvre Jenny. Je pouvais même sentir la pression que Pauline exerçait contre sa peau, traduite par des infimes vibration et un faible échauffement de sa peau.
Je libérais mon couteau de son fourreau ; l'ami était soulagé de retrouver la Lune. Elle n'aimait pas trop ce qui se tramait avec la petite - peut m'importaient ses sautes d'humeur, mais elle rirait bien de la 'chasse' aux loups.

Alors, danse avec les loups, ou gros dodo douillet près du feu tendre et apaisant?

Il proposa de chasser les loups, auquel la gamine répondit par des yeux rond et énormes, et la bouche tremblante.

Son père était catholique. Il lui avait toujours enseigner des choses sur ses loups depuis qu'elle était née. Elle dit alors doucement :

"- Tu sais, dans les temps romains, les loups étaient un symbole de féminité, alors que pour les catholiques, ils disaient que c'était une réincarnation du diable. Malgré tous ce que les gens peuvent dire, le loup aide la nature. Et si tu aime autant que ça la nature, le loup est ton allié."

Quand elle acheva sa phrase, elle lui fit un sourire paisible, sans pour autant lâcher sa main. Elle attrapa le couteau qu'il avait prit, et le rangea dans son fourneau.

"- Alors, allons au coin du feux. Si tu à soif, je t'attend ici."

Elle croisa alors les bras autour de sa poitrine, et attendit qu'il bouge, tout en songeant aux paroles qu'elle venaient de prononcer. Les croyances de son père lui tenait à coeur, mais elle ne parvenait pas à y croire.
Ses parents avaient toujours haï le satanisme. Pourtant, la gamine, devenu une Level E, était bien obligée de changer de religion.
Elle regarda ses pieds nu, et se dit que le vampire en face d'elle partirait, si elle le laissait l'éloigner pour chasser. Elle entoura alors de ses deux bras la taille de Yenael en murmurant :

"- Si vraiment tu à soif, boit mon sang, mais en fait, j'ai pas très envie que tu partes."

Pauline résona dans sa tête :

"- Mais tu es dingue ! C'est un vampire, il va bien sentir que tu es une Level E, si c'est pas déja fait.. 'pis j'te rappel qu'j'ai faim aussi !"

Jenny soupira, et s'exclama à voix haute d'un ton dur :

"- Oh laisse moi un peu ! Il s'en doute déja un peu, de toute façon ! Et tu peu attendre, quand même ! Une dirait une folle."

"- Nan, une Level E, c'est pas la même chose.."

Elle entendait Pauline murmurer. Elle n'y prétait plus attention, et releva la tête vers le visage de Yenael, attendrie.

"- Alors ?"

Je regardai Jenny me parler de cathomachin et de satanachose. Certainement des religions locales. Pour ma part, les cultes m'intéressaient peu s'ils n'étaient pas mêlés à la magie - et ces pays-ci s'en servaient très peu.
Un débat animé se jouait à l'intérieur de la petite. Je n'intervins pas : je ne savais que trop bien que l'être doit affronter seul ses démons intérieurs.
Je la laissai finir, puis lui lançai :

Les vampires n'aiment pas les loups ; ce n'est pas une question de croyance, cela vient de notre querelle vieille comme le monde avec leurs cousins les loups-garous.

Elle savait ma soif, j'avais deviné la sienne. A quel point encore étions-nous semblables? Elle ne cachait plus sa double personnalité à présent. Elle n'était pas idiote, la petite ; loin de là, elle comprenait ce que je pensais.
Je me demandais pourquoi elle se sacrifiait pour moi. Etrange comportement, que je ne comprenais pas. Je ne m'attardais pas plus là dessus, mais je m'aperçus que je ne pourrais boire son sang à elle. D'une part, je ne voulais pas que le monstre en elle puisse m'atteindre, risque possible en buvant son sang, son essence même, mais surtout, je ne voulais pas lui faire de mal. Je l'aimais bien cette petite. Et cela m'était étrange de l'avouer.
Je la laissai me prendre la main - j'aimais le contact de sa menotte froide et douce, qui n'avait plus rien de repoussant à présent.
Cependant, la Lune se fit plus pressante. Elle ne voulait plus voir en vie ces sales bestioles. Un dilemme comme j'en éprouvais rarement m'assaillit. Je rendis vite ma décision : une fois n'est pas coutume, je suivrais la petite, et non Sa Majesté du Ciel La Lune.

Très bien mademoiselle, je resterai près de toi. Mais je n'ai aucune envie de boire ton sang - en aurais-tu un autre à me proposer? ris-je.

Nous commençâmes à marcher dans les rues sombres du quartier ouest.

Cela devait être frustrant, pour les autres, de ne pas entendre cette voix qui communiquait avec elle. Parce que, bien sûr, Jenny savait qu'elle était la seule à l'entendre, et que ce n'était que le fruit de son imagination.
Elle ne savait pas encore que ce pouvoir qui semble être son ami deviendrait un être réel et dangereux quelques années plus tard..

La 'tiote se doutait bien qu'il n'avait pas vraiment de rapport avec la religion. Mais maintenant, elle savait qu'elle non plus..
Il lui demanda ou est ce qu'elle avait du sang, et lui dit qu'il restera avec elle.

Le coeur de l'enfant bouillonnait dans sa poitrine. Heureuse comme jamais, elle trépignait d'impatience :

"- Heu ben... Moi quand j'ai vraiment soif je sais pas vraiment à qui je m'attaque parce que je suis pas vraiment.. moi.."

Elle s'arrêta sur la phrase qu'elle venait de prononcer.
C'était vrai. Lorsque la soif se faisait trop présente, Pauline prenait le dessus sur elle, et s'attaquait à tout ! Humains, vampires et animaux.
Elle poursuivit alors, ne cherchant pas plus à s'expliquer :

"- Je suppose que tu bois des jolis filles, comme mon papa faisait avec la Level E... Mais moi j'ai pas très très soif, pour le moment.."

Elle lui fit un sourire dos, et blotti contre lui, attendait qu'il réponse. Elle avait enfin ce contact qui lui manquait tant depuis des mois..

Des jolies filles, dis-tu..

Il y en avait justement une qui m'attendait patiemment dans son lit douillet. Une fois morte, sa maison sera à nous.
La petite me délivrait les secrets de ses pouvoirs. Level E..? Qu'est-ce c'était encore ça? Sûrement une de ces choses farfelues qui envahissent ce pays. Tout est tellement plus clair chez moi...Mais je n'y retournerai pas de sitôt...Ou du moins, pas sans Jenny.
J'eus soudain une idée lumineuse, et un rictus mauvais.
Pourquoi ne s'attaquer qu'à une brave jeune fille?
Je repensais à cette fille au caractère bien trempé. Helving-je-ne-sais-plus-quoi-qui-se-mêle-de-tout. Ce serait un délice de s'emparer de son manoir.
Mais pour assouvir cette envie de grande envergure, il me fallait un plan béton, et d'autres alliés. Ca, au moins, ce serait vite fait.
Je nous conduisais donc vers la femme avec qui j'avais entamé la nuit. J'hésitais encore à la tuer : elle faisait l'amour avec une force sauvage mêlée à une douce tendresse que j'avais rarement rencontré.
La petite se blottit contre moi, et sentir son corps contre le mien me rassura. Ma soif s'apaisa, La Lune se fit moins encline à venger ma désobéissance. Un léger vent se leva, comme pour me soutenir dans les choix.
Son monstre intérieur - qui n'était autre que Pauline, je l'avais à présent compris - se calma quelque peu. J'étais peut-être vraiment celui qui devait la dompter finalement.
La dompter...et l'entraîner...
Lorsqu'elle grandira, la fidèle compagne de Jenny sera si puissante que Philomène s'agenouillera devant elle.
Voilà la chose la plus intéressante depuis bien des années.

Eh, dis, c'est quoi une level E?

La phrase résonna à mes oreilles comme si elle avait été prononcée par un petit garçon de cinq ans. Cela ne me plus pas vraiment ; trop tard, les mots avaient été prononcés.

Jenny...Si mordre ou tuer des gens te gêne, ou te fait peur, je connais un moyen pour que tu t'abstienne de faire ça tout en nourrissant Pauline. Chacune de vous deux aura son compte, comme ça.

Des nuages cachèrent la Lune. Le vent forcit, et devint plus froid.
Une petite bruine apaisante se mit à tomber, mais elle se transforma vite en puissant déluge.
Je souris.

J'adore sauter dans les flaques de boues.

La gamine tressaillit. Il ignorait donc ce qu'était un Level E ? Elle le trouvait bien ignorant, mais s'en rassura énormément. S'il avait vraiment sût ce qu'elle était, il n'aurait jamais chercher à lui parler...

"- Ne lui dit pas, Jenny ! J'suis sur qu'il s'rait capable de chercher des hunters et de tout raconter.."

Sans même prêter attention à ses paroles, Jenny expliqua, en contemplant les étoiles qui apparaissaient :

"- Les Level E sont des créatures qui prennent une apparance étrange quand ils ont soif. Ils deviennent très dangereux. C'est pour cela que les vampires hunters, existes.. Pour les tuer, avant les vampires. Leurs but, c'est les Level E. Les autres ne sont qu'un passe temps.."

Elle marqua une pause. Le fait qu'elle-même soit Level E l'à répugnait. Heuresement, elle c'était habituée très tôt à cette race. Dans quelques années, elle saurait controler parfaitement cet état second.

"- Mais, tu sais, moi je suis pas comme ça, hein.."

Elle voulut changer de conversation, mais il s'en occupa d'habord, en lui proposant de nourrir Pauline par une autre façon. Un voile noir passa devant ses yeux bleus. Parler de sang donnait beaucoup envie à Pauline.
Jenny posa sa main sur l'épaule, pour que Yenael se baisse à sa hauteur, et déposa un baiser sur sa joue :

"- Dit.. Est-ce que tu peux arreter de me parler de sang, s'il te plait ? Tu nous le dira demain.."

Elle plonga ses yeux innoncents dans ceux du vampire, et reprit sa marche calmement.

Désolé de t'ennuyer avec ça, Jenny, mais je viens d'un pays lointain, et les créatures le hantant sont différentes de celles qui rôdent par ici.

Ainsi, la petite était une 'level E'. Je trouverais bien ce que c'est, va, un hunter aura tôt fait de me le dire mon poignard sur le coeur et mes crocs dans son cou.
Voilà quel monstre était Pauline.
'Mais, tu sais, moi je suis pas comme ça, hein.."
Cette simple phrase suffisait à me convaincre du contraire. En effet, elle ne se serait pas sentie contrainte de préciser, sinon. Cela dit, elle n'avait pas tout à fait tort : c'était Pauline, le monstre, et non elle.

Je te prendrais comme tu es, ne t'en fais pas.

Elle avait accepté - et c'était bien la seule - le vampire renégat, sournois, sadique et manipulateur que j'étais. Je pouvais alors sans problème aucun ses petits troubles personnels.

Je souris quand elle m'embrassa. Tendresse, affection...Ces mots avaient disparus dêpuis bien longtemps de mon esprit jusqu'à ce soir.
Douceur et gentillesse permettaient de prendre un peu de recul sur le mal que l'on faisait, et par là, de repartir plus cruel et cynique que jamais.
Peut-être ne tuerais-je pas la fille ce soir alors.
Mon coeur bondit dans sa poitrine quanf elle plongea ses grands yeux dans les miens. Pauvre petite...
Je me retint aussitôt. La pitié n'était pas un sentiment que je voulais voir fleurir dans mon coeur.

Très bien, si tu le désires...Accorde-moi juste une question : comment tes parents sont morts?

Je connaissais déjà la réponse.
Level E.
Evidemment.

Un pays lointain ? Waouh... la gamine en était très impressionée.. Elle n'avait jamais quitter la ville, et se demandait si les autres endroits étaient comme ça... Si les autres endroits ont eux aussi des vampires.
En loccurance, là ou il était, il n'y avait pas de Level E, donc...

"- Il n'y a pas de vampire hunter, alors ? "

Toujours traquée par ses chasseurs, c'était la pire angoisse de l'enfant.. Se faire tuer un jours était inévitable..
Elle reprit un sourire doux, avant qu'il ne lui demande comment ses parents sont morts.
Son regard pétillant s'assombrissait d'un coup.
Elle dit alors :

"- Ma mère est morte a ma naissance, on était pauvre et papa m'à expliquer qu'elle n'avait pas eu de soin pour survivre.. En plus elle était très très jeune... Et puis mon papa à eut une nouvelle femme, qui était.. Level E. Et après l'avoir tuer elle ma transformer en... en ça."

De se dire qu'elle était une Level E était dur à digerer pour elle... D'être un monstre la répugnait. Pour elle, Jenny était toujours une petite fille normal. Elle était juste orpheline et pauvre, c'est tout..
Elle marchait encore, profitant de l'air qui c'était raffraichi.

"- C'est loin, chez toi ?"

Depuis un moment, elle ne regardait pas ou elle allait. Son père lui avait toujours dit de ne pas suivre un inconnu.
Mais maintenant, elle le conaissait, alors..
Enfin, elle regarda a gauche, et sa poitrine fit un bond.
Sa maison.
Elle baissa les yeux, triste, pleine de nostalgie.
Elle y rentrerait plus tard..
Elle passa sa route sans y preter attention. Elle avait juste remarquer qu'elle n'était pas habitée. Ses affaires devaient etre encore à l'intérieur.
Et son père ? Y était-il encore ?
Elle voulait y aller, le voir.. Redécouvrir sa chambre.
Mais rien que l'odeur infect lui faisait comprendre qu'il était toujours à l'intérieur.
Elle pressa le pas, serrant la main de Yenael encore plus fort.

Je souris devant les yeux ébahis de la petite. Le monde était si vaste quand on avait 8 ans.
Et il ne cessait de grandir ensuite, nos yeux voulant toujours voir plus grand.

Chez moi, tout est très différent. Les plantes, l'air, les paysages, la pierre, les maisons, les rues, les gens...Jusqu'à la Lune où les Etoiles, qui brillent plus là-bas, il me semble. Les dirigeants - c'est-à-dire le roi - tentent de faire cohabiter les vampires et les humains, les loups-garous et les sorcières se cachent parmi les deux clans. Malgré le pacte de non agression, tu penses bien que certains individu - moi le premier - le transgressent. Et certains hommes se sont regroupés en une organisation, qui peut correspondre aux vampires hunter.

J'arrêtai là mon cours de géographie et l'éoutai attentivement.
Elle m'avait avoué son secret. Elle me faisait alors grandement confiance. Elle n'avait pas bronché, et m'avait tout raconté. Quelle brave petite fille.

Chez moi? Sachant que j'ai mis plusieurs années pour venir ici, mon pays doit se trouver loin, en effet. De plus, c'est pas dit que je retrouve le chemin inverse, ni que je sois le bienvenu là-bas.

Je la sentis tressaillir, et la vis baisser la tête.
Que se passait-il?

Ca va, ma petite?

Je ralentis mon pouls, pour tenter de la calmer le sien.

Elle poussa un soupir admiratif..
Loups garous ? Sorciéres ? Pleins de thermes que la petite n'avait vu que dans les livres d'images qu'on lui avait offert quand elle était plus jeune.
Les loups garous étaient des créatures plus gros qu'un loup, dangereux et mechant. Et les sorcières des femmes qui faisaient des potions magiques..
Mais elle ne demanda pas à Yenael ou vivait-il exactement. Un monde aussi étrange intriguait la jeune fille, et elle esperait énormément le connaitre un jours, par elle même..

Elle éclata de rire quand il lui dit que sa maison était loin. Son rire doux et chantant d'une enfant.

"- Non mais tu à bien une maison, ici ? Tu à l'air d'être quand même un peu riche pour vivre dehors comme moi..."

Elle ressentait un tel bonheur d'être en sa compagnie ! Elle n'avait jamais été aussi heureuse d'être avec quelqu'un. Elle sentait que le vampire la protegerait et l'aiderait. Enfin, comme on le dit, les enfants sont si naîf !

"- Plutôt rêver, t'es complétement folle ! Si il se passait quelque chose, ce Yenael serait du côté de l'autre ! Quitte à avoir un repas de plus.."

Pauline avait parler, et Jenny soupira.
Avant qu'elle ne replique, Yenael avait vu son malaise d'il y à quelques instants, quand ils étaient passés devant son ancienne maison.

"- Bien sûr que sa va ! Je suis un petit peu fatiguée..."

Raison de plus pour pouvoir s'allonger et rester avec Yenael. Elle ferma les yeux tout en marchant, respirant l'odeur agréable du vampire.

"- Alors, tu ne m'a pas parler d'un coin de feux, dit ?"

On y arrive, ne t'inquiètes pas..Et puis, je suis partout chez moi, Jenny... Je souris. Et d'abord, qu'est-ce qui te fais dire que je suis riche?

Son rire éclaira la nuit d'une fraîcheur d'esprit inattendue, et fit taire les démons qui sommeillaient en chacun de nous deux. Je me joins à elle, et nous devînmes encore plus complices.

J'ai quelques habitations éparpillées dans la ville, selon les différents costumes que j'endosse, mais il m'arrive souvent de dormir chez un arbre ou au clair de Lune. C'est très agréable, tu devrais essayer !

Si elle avait supporté la température de l'eau glacée, elle se plairait dans la douceur des nuits en été.
Nous entrâmes dans une ruelle mal éclairée, dont le caniveau débordait d'ordures, de restes de plats et de déjections humaines ; nous en sortîmes rapidement et nous nous retrouvâmes devant une petite maison en bois dont la façade mignonne, sans vanité aucune comparé aux autres bâtisses, était au contraire d'une simplicité attachante. Il n'y avait plus personne dans les rues, à part ces deux silhouettes brinquebalante sous l'aura d'un réverbère, au coin de la rue. J'humais l'air : un homme et une femme. Je les sentais assez soûls pour qu'on pût ouvrir une taverne rien qu'avec leur sang.
De quoi se dégriser un peu avant d'attaquer la jolie femme qui m'attendais, ce serait sympathique.
J'ouvris la porte, et invitai Jenny à entrer.

Nous voilà arrivés...Tu m'excuses un instant? Je vais..boire un cou(p). Il y a une chambre au fond du couloir, à droite, tu peux t'y installer. Si Tatiana te pose des questions, dis-lui que j'arrive. Je serais tout à toi à mon retour.

Je baisai la joue de la petite, me détourna et sortis mes crocs.

"Partout chez moi". La même pour la gamine de huit ans. Partout dans la ville, elle se sentait chez elle. Les arbres, les prairies, la ville en elle même lui appartenait.

"- Je connais tout ça.. c'est comme si chaque partie de la nature m'aidait à survivre... Il me semble que ton pouvoir à un rapport avec cela, non ? Je t'admire beaucoup, tu sais.."

Elle était calme, elle se sentait bien.. Comme sur un petit nuage. Une sensation de sécuritée agréable.
Dans la ruelle, Jenny se blotit d'avantage contre Yenael, inspirant son odeur d'homme agréable et particulière, serrant ses doigts contre le tissu qui lui servait de chemise.
En entrant dans l'habitat, elle remarqua pleins de gens. Vampire, et même humains. Une odeur lui monta aux narines, et elle serra les mains pour se retenir.
A contrecoeur, elle quitta le vampire et se dirigea vers la chambre. Une femme qu'elle jugeait être Tatiana l'à regarda étrangement, mais ne fit aucuns commentaires.
Quand elle fût dans la piéce, elle ferma la porte.
L'odeur. L'odeur de sang. Yenael chassait, cela se sentait. Pauline hurlait dans sa tête, et sous le coup du bruit strident, Jenny s'écroula au sol, les mains sur les oreilles.

"- Tais-toi ! Tais toi !" Parvint-elle à hurler pour faire taire la voix.

Du sang.. Ses yeux devinrent rouge, ses crocs sortirent.
* Non.. Je dois.. resister..*
Mais la soif devenait plus grande qu'autre chose.. Elle frémissait de toute part, ses jambes tremblaient, Pauline hurlait toujours.
La gamine sortit de la chambre en titubant. Elle sentait l'odeur de Yenael et s'y dirigea. Elle n'était plus Jenny. Elle était Pauline. Et elle avait très soif.

Elle vit enfin Yenael. Il semblait très occuper avec une femme - sans doute en train de boire son sang -. Jenny courut vers lui, et, tremblante, lui dit :

"- Yen..ael... J'ai.. soif.."

Elle ouvrit la bouche, sortant ses crocs, attrapa le bras du vampire et voulu mordre dedans. Au dernier moment, alors que ses canines effleuraient sa peau blafarde, elle se retira, et s'écroula au sol, les larmes coulant sur ses joues.
Elle ne voulait pas lui faire du mal.. jamais.

C'est bien ça que j'avais senti alors. Mais trop enivré par le sang alcoolisé de la femme, avec une envie si violente de la violer (parce qu'en fin de compte, elle était assez jolie), mes sens n'avaient pas voulu interpréter les chamboulements dans la nuit comme le combat intérieur de Jenny et sa transformation. Alors quelque part en moi, je ne fus pas surpris de voir arriver Pauline. Elle était telle que je l'imaginais, la bouche mi-ouverte, les crocs sortant légèrement, le regard animal. Je crus d'abord que la petite avait attaqué Tatiana, qu'elle avait pris panique et avait accouru jusqu'à moi.
Je lui aurait bien offert mon bras, mais un combat acharné la consumait. Elle ne voulait pas me faire de mal - mais elle avait atrocement soif. Personne ne s'était jamais autant battu pour moi, et notre propre être n'est pas le plus sympathique des ennemis. Je l'aimais beaucoup, cette petite, et je devrais à présent me battre autant pour elle. On va former une belle équipe.
Je ris à cette pensée, mais mon sourire s'effaça aussitôt que je la vis s'effondrer. Un combat de trop pour son petit coeur. Je lâchai la femme et accourait près de Jenny - ou plutôt Pauline, car elle dominait encore le corps. Je la pris dans mes bras, et lui relevai la tête.

Eh, tu vas pas me faire un sale coup hein !? dis-je en lui essuyant les yeux.

Je lui tends mon bras. Il risque de lui arriver quelque chose si elle ne boit pas. Imaginez un peu que vous arrêtiez de respirez ! Les vampires ont le même besoin vital.
Et il est hors de question que je lui donne un bout de ces vermines soûles. Leur sang au taux élevé d'éthanol est encore dans mon estomac et n'atteindra pas la petite.

Bois, dis-je d'un ton ferme et sans appel en lui tendant mon bras. Tu n'as pas le choix, et tu es si mal que je n'ai pas le temps de me plonger dans les grimoires pour une potion. N'aies pas honte, et bois.

Je ne lui avouai pas que si je l'obligeais à boire mon sang, c'était parce que je ne voulais pas la perdre, ce qui arriverai sans doute si elle ne buvait pas maintenant.

[<33]

Du sang.. du sang.. La gorge de la gamine lui brûlait. Ses yeux rouges l'iritaient. Elle avait crever si elle ne buvait pas. Et le sang de Yenael qui bouilonait près d'elle ne l'aidait pas vraiment à se calmer. Mais sa voix.. Ce ténor agréable, fin mais chaud, l'apaisaient quand même un peu.
Il lui proposait son sang. Pauline ne pouvait plus tenir, mais Jenny essayait de se retenir. La force animale pris le dessus. Elle ouvrit la bouche, sortant encore plus ses crocs déja trop longs pour une taille aussi svelte, et croqua dans la peau. Un liquide chaud, agréable et délicieusement bon coula dans sa gorge. Il lui semblait que jamais elle n'avait bu aussi bon elixcir. Elle but, à longues gorgées. Le feux en elle se calmait peu à peu. Mais elle n'arrivait toujours pas à s'areter. Si Jenny n'avait pas repris le dessus, elle l'aurait vider de son sang - quoique Yenael l'aurait rapidement remis dans le chemin..
Ses yeux s'adoucirent un peu. Elle regarda Yenael de ses grands yeux bleus, et entoura de ses bras le ventre du vampire, les larmes aux yeux.

"- Yenael.. Je suis désolé ! Excuse moi, ça n'arrivera plus.. T'aurais pas dut.. Merci, merci.. Désolé.."

Des sanglots etouffés apparaissaient en mots un peu incompréhensibles. Elle essayait de garder sa respiration sans faire trop de bruits. Elle sentait l'odeur de Yenael, qui la calmait largement. Ses yeux gonflés commencaient à être lourds, et elle commencait à s'endormir dans ses bras. Elle se sentait si bien..
Elle crût tomber dans les pommes - sans doute à cause du liquide qui lui semblait si délicieux - mais elle se ressaisit, et attrapa la main de Yenael, pour l'emmener vers la chambre. Une fois à l'intérieur, elle poussa le vampire sur le lit, et s'endormit juste à côté, blottit contre lui.
Juste avant de sombrer dans un sommeil profond d'enfant, elle murmura :

"- Je t'aime."

Laissant mes pas guidés par la main d'une petite fille, je me retrouvais dans ce lit, chez mon amante. Tant pis pour la nuit charnelle ; une bonne nuit de sommeil, pour une fois, ça ne me ferait pas de mal.
Un peu plus tard, je caressais les cheveux de Jenny, blottie contre moi, et écoutais le bruit régulier de sa respiration.
Ce soir, je m'étais trouvé une nouvelle amie - pour ainsi dire, la seule. Cependant, demain serait un autre jour. Peut-être nos chemins se sépareront, peut-être aura-t-elle d'autres obligations. J'en serais pour ma part très attristé : je m'étais définitivement attaché à cette petite fille, après ces mots que j'entendais pour la première fois. Sortants d'entre ses lèvres, ils sonnaient vrais, sincères, purs, loins de la vérité de nos deux petites vies sans importance, lesquelles étaient sur bien des points semblables. La contemplant quelques minutes encore, je me détachai difficilement d'elle, puis sortis de la chambre. Sans un bruit, je rejoignis le salon, où je rallumais le feu par ma simple volonté. Le foyer m'obéit, et la petite lumière rougeoyante se raviva.
Je trouvai de quoi écrire, et entamai une petite lettre d'excuse à l'intention de Tatiana.
C'est alors que me vint une folle idée : pourquoi ne pas m'installer ici ?! Devenant plus qu'un homme de passage, m'accaparant un peu plus ses sentiments, nous pourrions former une belle famille, Jenny, Tatiana, et moi. J'étais certain que l'idée séduirait la maîtresse de maison. Les femmes, pour ce que j'en savais, se faisaient un plaisir de devenir maîtresses du coeur des hommes.
Devenais-je donc fou?! Moi, Yenael Erellund, enfant de la rue, ami de tous les vices, peste sur pattes, virus s'infiltrant au coeur des choses pour les pourrir de l'intérieur, ignoble monstre dans ces sociétés candides dont les plus horribles individus, pédophiles, nécrophages, tyrans et dictateurs, courtisans véreux, les plus immondes produits de toutes les perversions possibles, n'arrivaient pas à mon doigt de pied en matière de cruauté, de méchanceté pure, d'envies folles de destruction et de chaos, de crime et de pagaille, moi, ce Yenael Erellund-là, j'avais des rêves de famille? Je ne tiendrais pas plus de deux nuits entre ces murs, tant il y avait de peur, de folie, de mort, de trouble et de doute à semer dans ces rues.
Oh, non, malgré ce subit attachement pour Jenny, je ne changerai pas, je resterai aussi vil et malsain, aussi souriant que malfaisant.
Je commençai donc :

" Chère Tatiana,
Excuse-moi tout d'abord de mêler ta vie sans histoires à mes affaires rocambolesques. La petite fille que tu as dû apercevoir est ma protégée. Placée sous ma responsabilité, je savais qu'en venant chez toi, elle serait bien accueillie.
On s'en ira demain matin, après t'avoir apporté ton petit déjeuner au lit comme le mérite une femme comme toi. Merci pour tout ce que tu as fait, et ce que tu vas faire encore - ne t'inquiètes pas, je reviendrais certainement une nouvelle fois en pleine nuit, les bras chargés de problèmes, avant de redisparaître le lendemain. Je sais comment te montrer ma reconnaissance..
Je voudrais m'excuser aussi d'avoir gâché notre nuit torride. Je te fais confiance pour remettre ça avec quelqu'un d'autre, même si l'idée m'est amère.
Voilà je t'ai tout dit.

En espérant que tu ne t'attaches pas trop à moi - je n'en vaut pas la peine, tu t'en es déjà aperçue.. - à une autre nuit.

Comme un souffle dans la nuit,
Un brin d'air qui s'enfuit
Seul et Libre. "

_ Alors comme ça, tu t'en vas? dit une voix sensuelle derrière moi. Je n'aurais même pas le droit à une compensation de départ?

Elle posa délicatement ses mains sur mes épaules, les laissant descendre lentement sur mon torse. Ses mains chaudes, tendres et douces, prodiguant des caresses si tentantes...

Deux heures plus tard, nos deux corps nus près du feu, je me défis de son étreinte, telle une anguille. Je la portai jusqu'à son lit, la déposai dans ses draps glacés, baisai ses lèvres roses, puis retournai près de Jenny.
Chose étonnement rare, je ne profitai pas de la nuit, et m'endormis.

» Rencontre entre sangs purs || Ezechiel ||